Wednesday, July 26, 2006

"Mais par un caprice du destin..."

Tout allait bien.

Tout allait bien et je maîtrisais ma vie.
Entre trois semaines de travail totalement intensives et des sorties à foison qui m'exténuaient mais peu importait. J'assumais la fatigue de ce bon temps.
Et puis, il y a eu les voyages qui se sont enchaînés, entre Paris, Cologne et New York. Enfin, le petit cumul des rencontres... Bref, l'esprit trop occupé pour penser.

Retour des US. Content de rentrer, de retrouver ma faune et ma flore, retrouver mes amis. Pas le temps de se remettre du jet lag, je me lance à nouveau dans un cumule de partage, de soirées et de moments d'intimité. Même la déception du choix silencieux de T. ne pouvait faire remonter à la surface des douleurs enfouies.

Vint le week-end, surprenant. Le samedi, et le BBQ en pleine campagne. Le bonheur de s'allonger dans le gazon, se laisser caresser par le soleil, au milieu de mes amis, et savoir que le soir, si je le voulais, D. m'attendait à la mer. Même si quitter la fête un peu plus tôt m'attristait quelque peu. Même les gouttes immenses et les pluies torrentielles qui se sont abattues sur Bruxelles alors que j'attendais le tram pour rejoindre la gare, et l'eau qui s'écoulait sur les vitres du train roulant vers Blankenberge, le ciel assombri... rien n'assombrissait mon humeur.

Installé confortablement dans le train. Livre à la main.
Le contrôleur passe. Je dépose le billet sur la tablette.
Je jette un oeil. Et là, les chiffres qui se détachent, la date qui me saute aux yeux...
22-23 juillet 2006
21-22 juillet 2005...
Le saut dans le temps me ramène un an en arrière, quand j'étais submergé de bonheur, quand la fin juillet rimait avec des allers et retours à Londres.
Ce premier week-end où nous louions une petite chambre et nous passion notre temps en amoureux au milieu de tous. Et cette séparation voluptueuse parce que le week-end d'après, il me réservait une surprise pour mon anniversaire, fêté à coup de champagne sous une tente, de route à bord de la MG décapotable pour faire le tour des vignobles anglais de la côte sud...

NON, ne pas y penser. Je me force à continuer à lire, je cherche à être absorber pour ne pas cogiter, pour ne pas craquer. Les mots s'agitent devant mes yeux et je perds le sens du fil de leurs idées... mais je continue, ce n'est pas du Zola, ni du Freud que je lie, Lauren Weisberger reste simple à comprendre.

Je descends du train, retrouve le sourire de D. Il est tellement craquant quand il sourit! Et ma vie, la mienne, celle que je vise au jour le jour, reprend ses droits. Je ne penserai plus. Et même la peur de s'apitoyer le week-end prochain s'est envolée. Je profite de la mer, de Bruxelles les bains, du You, de ma nuit à côté de D., de mon lundi de calme plat, malgré mon retard dans mes deadlines.
De la visite de D.R. qui vient me faire à manger. Nous partageons sa salade.

Etrangement, elle me parle de lui. Comme il y a environ 2 mois, quand elle me demandait si j'avais eu des nouvelles de lui sur MSN. « Non, avais-je répondu, je n'en n'aurais pas tu sais. »
Là, elle va plus loin, et me demande si je ne l'avais jamais croisé dans Bruxelles vu qu'il venait assez souvent avant. « Oui, mais depuis qu'il avait changé de travail, il ne venait plus ». Non, il ne venait quasiment plus. « C'est vrai que je me suis dit qu'un jour, je pourrais le croiser. Quant à me donner des nouvelles. Non, il ne l'a pas fait. Il ne le fera pas. » Et je le pense sincèrement. Et c'est vrai que j'ai déjà eu la peur d'un jour le croiser, alors qu'il serait de passage à Bruxelles pour ses affaires.
Nouvelle nuit aux côtés de D. qui m'emmène le lendemain au travail.

Rien ne le laissait présager, même si le sentiment était bien plus fort...

Une journée de dur labeur qui se prolonge alors qu'elle n'aurait pas dû.
Je finis pas quitter le boulot bien plus tard que prévu.
Sur le chemin du retour, je pense à lui, à ce qu'il m'a fait. A ce que je pourrais m'avérer violent envers lui parfois. Je pourrais bien le haïr pour ce qu'il a fait. Ca m'arrive.

Le bus me passe devant, c'est celui que je voulais prendre.
J'en prends un autre, autre direction.
Je descends une station avant le terminus, qui lui me dépose à côté de chez moi. Pourquoi?
Je décide de faire un détour pour passer devant le Plattesteen. Pourquoi, qu'est-ce que je peux bien espérer?
Les échanges de SMS vont bon train avec D. Sur le point d'envoyer celui que je viens d'écrire, je lève la tête, devant la terrasse du Plattesteen, et j'aperçois ce petit couple qui me plaît tant.
Inhabituellement, nos échanges sont plus longs qu'à l'accoutumée. Je voudrais rentrer, mais je n'arrive pas à couper court; cette conversation n'est, somme toute, que du remplissage.

Rien ne le laissait présager, même si le sentiment était bien plus fort...

Même quand j'ai vu leur regard se focaliser derrière mon dos, je ne me doutais pas.
Intrigué, je me suis retourné.

Bruce.

Lui, ici.
Il se dirigeait vers moi. Mon coeur défaillit. Mes membres se mettent à trembler.
Il me salue. J'en oublie la conversation que j'avais.
Les mots qu'il me dit m’arrivent de loin, mes oreilles ne sont plus aptes à les recevoir. Il me dit qu'il pensait bien (espérait?) me croiser. Il me propose un verre. Mon esprit se bouscule. Accepter, refuser, refuser accepter? J'ai tellement rêver de ce moment sans savoir ce que je ferais. Ce que je dirais.

Il ne veut pas me déranger, ni me forcer.

J'accepte. Il insiste pour ne pas déranger.
J'appuie ma décision. « I was just going home »

J'abandonne les autres et me voilà à arpenter les rues de Bruxelles à ses côtés.

sorti de nulle part « I'm very hard to understand, sometimes, i can't understand myself... »
Que puis-je relever?

« Maybe it's not a good idea to go for a drink. What do you think? »
Je ne sais pas.
« I don't know, do you want to? »
Oui, il le désire. Et il reste fidèle à lui-même, ne laisse rien transparaître. Le même. Juste... différent de mes souvenirs.

Nous cherchons un bar, il me propose même le Plattesteen sans se rendre compte que c'est là qu'il m'a vu. Lui qui a un sens de l'orientation inné. Il me semble bien désorienté.

Incontournable, nous nous dirigeons vers le Fontainas. Mes pensées se bousculent encore dans ma tête. Marchant à ses côtés, je en pense qu'à 2 choses. Maudire Dorine. J'avais oublié que la dernière fois, lorsqu'elle m'avait demandé si j'avais eu de ses nouvelles, que j'avais soutenu que je n'en aurai jamais... il m'avait contacté le lendemain même.
J'avais vu les mots en anglais s'afficher sur l'ordi et le malaise m'avait envahi.
Mes doigts brûlent d'envie de l'appeler.
Et puis, je ne pense plus qu'à Beedee, mon livre, notre livre. Devrais-je lui dire? J'en ai envie, mais je ne vois pas pourquoi je l'évoquerais.

Le Fontainas regorge de monde et espérer trouver une table est de l'utopie. Je suis content de croiser 2/3 personnes que je connais.
J'ai, à un moment, l'idée d'abandonner. Je ne veux pas que les choses se compliquent. Si nous ne sommes même pas apte à trouver un e,droit ou boire un verre.

Il me propose alors le Soleil, à deux pas, autre lieu qui a été témoin de notre bonheur. Une table se libère, naturellement, comme nous arrivons.
Comme nous nous installons.

Le silence gouverne et Bruce de remplir les blancs. Comme il sait si bien le faire.

Il a déménagé et sa vie est encore moins rose qu'elle ne l'était avant. Nos regards sont fuyants. J'ai parfois envie de lui demander s'il a eu des regrets. Pour quoi faire. Je ne cèderai pas à quoi qu'il puisse proposer. Je ressens le mur que j'ai bâti pendant ces 4 mois de douleur. J’ai parfois l'impression de ne pas être là. D'avoir un recul incroyable.

Je constate qu'il tremble. Qu'il tremble plus que moi.

Je n'ai pas grand chose à lui dire, mais je me pavane toutefois, en évoquant New York, Paris, Londres bientôt, mes 3 semaines de vacances. Lui ne voyage plus. Il a déménagé dans le Sud de l'Angleterre. Il s'ennuie, il n'y a rien à faire.

Et puis le silence encore.
Les regards fuyants.
Nous n'avons plus rien à nous dire.

Je sais que je n’ai plus rien à dire. J’ai envie de fuir, de lui dire au revoir, de déguerpir le plus rapidement possible, je ne veux pas que le maigre mur protecteur que j’ai construit ces derniers mois s’effondre. Ce serait trop dur. Insurmontable.

«Well, if there’s no more to say, maybe it’s time to say goodbye. »

De battre mon coeur s’est arrêté.
Une seconde.
La façon si froide et distante avec laquelle il dit « goodbye » sonne comme un glas.

« I think that’s a good idea. »

Je ne sais pas où j’ai trouvé ces mots. Mais ils sont pour moi bien placés. Même si j'ai encore envie de lui demander ses regrets. J'ai surtout envie de lui rappeler sa promesse... s'en souvient-il? La respectera-t-il?
Il ne bouge pas. Il ne semble pas vouloir bouger. Alors je me lève et il suit.
Je me rapproche de lui. Lui de moi.

Combien de fois avons-nous fait ce geste, le cœur battant, le souffle haletant, l’esprit libre et heureux.
Qu’en reste-t-il ?
Maintenant que cela fait 2 ans que nous nous sommes rencontrés.

Si la situation met mal à l’aise, elle ne fera pas mal.

Il baisse la tête. Nous sommes si proche l’un de l’autre.
Je baisse la tête.

Il joue avec mes pieds, timidement. Des observateurs extérieurs pourraient croire que c’était notre premier rendez-vous. En réalité, j’ai l’amer sentiment que c’est le dernier.

« Anyway, you’re still very cute ».

Que cherche-t-il? Il donne cette impression de flirter...
Je ne jouerai pas à ce jeu.
Je ne jouerai pas avec les bribes de stabilités et de joie que j’ai su rattraper récemment.
Je n’ai rien à dire.

« So goodbye. »
« Gimme a kiss »… Oui, cette phrase il me l’a répétée des centaines de fois. Le baiser à l’époque était sur la bouche, long, tendre et langoureux.

Ce soir, il sera froid, automatique et surtout… sur la joue.

« So bye… » et avec toute la force et la fierté que j’ai pu amasser, je pars.
Non, je ne me retournerai pas.
Je crois qu’il est parti.
Ou peut-être est-il resté à m’observer.
Peut-être avait-il les larmes aux yeux.
Ou était-il soulagé de me voir partir.

Peu importe. Je rentrerai chez moi.
Je serai fort.

Close encounter with destiny

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